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Les Liaisons Dangereuses

Sérum company

Free adaptation and direction: Julia Leyris
(after the novel by P. Choderlos de Laclos, adapted for the stage by C. Letailleur) 

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Credit illustration: Sarah Marcni

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Stéphane Duguin et Audrey Matéo dans les rôles du vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil. Photo : Paul Malterre

“Who doesn't shudder at the thought of the mishaps that can be caused by a single dangerous liaison!”

The Plot

Using text messages, Email and videos, the Marquise de Merteuil is preparing revenge against her ex-lover, the Comte de Gercourt, who recently ended their relationship. To appease her wounded pride and embarrass Gercourt, she seeks to arrange the seduction and disgrace of his young virgin fiancée, Cécile de Volanges, who has just been introduced to society after spending her formative years at the shelter of convent. Merteuil appealed to the Viscount de Valmont, who was just as unprincipled, to do the deed. Valmont declines, because he plots to seduce Madame de Tourvel, the wife of a member of Parliament and the current guest of Valmont's aunt, Madame de Rosemonde"When she says - I adore you - I’ll be her chosen god!". Amused and incredulous by Valmont's pride in pursuing the chaste and devoutly religious Tourvel, Merteuil raises the stakes: if Valmont somehow succeeds in seducing Tourvel and can provide written proof, Merteuil will also sleep with him. Never the type to refuse a challenge, Valmont accepts. 

The cast:

  • MERTEUIL - Audrey Mateo;

  • VALMONT - Stephane Duguin

  • TOURVEL - Jane Vingic

  • VOLANGES - Camille Antunes

  • CÉCILE - Clotilde Lalanne

  • DANCENY - Cedric Rossatto

  • AZOLAN - Matteo Pasquini

  • ROSEMONDE - Ina Mihaylova

  • EMILIE - Ina Mihaylova

  • JULIE - Julie Bardeche;

  • LE CURÉ - Vittorio Vanini

Julia Leyris réussit à mettre en relief d’une manière nouvelle, étonnante, presque révolutionnaire, l’adaptation ciselée du texte de Choderlos de Laclos

Critique de Francine Coirard

Il y en a eu des représentations et des adaptations au théâtre des Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos ! Certaines étaient ennuyeuses, d’autres moins, d’autres très classiques, salaces, très littéraires, souvent longues. Notre esprit est resté accroché à la version cinématographique du roman, avec Glenn Close et John Malkovitch, elle‑même issue de l’adaptation de la pièce par Christopher Hampton. Les costumes et le décor étaient à chaque fois d’époque, fidèles à ce contexte d’avant Révolution française, la mise en scène axée sur la beauté du texte et ses déclamations provocatrices, un scandale à l’époque que de glorifier ce couple monstrueux pratiquant le libertinage. La nouvelle adaptation que propose Julia Leyris, la metteure en scène de cette version de la pièce créée à La Haye et interprétée par la troupe Le Sérum, avec dans les rôles principaux Audrey Mateo et Stéphane Duguin, vient trancher avec ces retranscriptions fidèles au contexte historique du roman.

La mise en scène a été créée autour du texte de Christine Letailleur (qui a aussi adapté La Philosophie dans le boudoir de Sade et La Vénus à la fourrure de Sacher‑Masoch, c’est dire si elle n’a pas froid aux yeux !), qui a rebâti le script autour du personnage de Merteuil, pour mettre en avant son personnage de femme de tête, par‑delà le visage froid de manipulatrice qu’on lui connaît tous (merci, Glenn Close). C’est ce nouveau texte de Christine Letailleur qui a donné envie à la compagnie Le Sérum de réinterpréter ce roman et d’appeler Julia Leyris pour le mettre en scène.

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Audrey Matéo dans le rôle de la marquise de Merteuil et Camille Antunes dans le rôle de Madame de Volanges. Photo : Paul Malterre

Or, en osant transférer cette œuvre magistrale, fascinante, sulfureuse et unique de Choderlos de Laclos, qui touche avec brio à la psychologie de l’amour et au conservatisme des mœurs, dans notre actualité moderne, ultra connectée, chaotique et tout feu‑tout‑flammes, Julia Leyris se lançait là un pari risqué, voire téméraire. On peut rétorquer que la question de l’amour est intemporelle et défie le temps, qu’elle traverse les siècles sans jamais perdre de son mystère et sans jamais régler ses sempiternelles contradictions, mais Julia Leyris réussit à mettre en relief d’une manière nouvelle, étonnante, presque révolutionnaire, l’adaptation ciselée du texte de Choderlos de Laclos, en l’extrayant du decorum compassé de son époque, flanqué de ses règles, ses principes, ses carcans, de l’étiquette et de la bien‑pensance.

 

Un pari risqué et audacieux, donc, de la part de Julia Leyris, mais un pari réussi ! Car non seulement cette metteure en scène, visiblement très douée, réussit à changer de décor et à le transplanter dans notre réalité d’aujourd’hui, avec force échanges de textos et sextos au lieu et place des fameuses lettres, et force musiques dans le vent et tenues flashy, mais elle arrive aussi à faire ressortir ce que les personnages peuvent apporter de mieux à notre réflexion sur l’amour, en attirant notre attention sur la force du discours et du jeu scénique des personnages féminins. Mais comment réussit‑elle donc à relever ce pari ? Comment réussit‑elle à changer le décor tout en respectant la structure et l’état d’esprit de l’œuvre ?

Le génie réside dans la mise en scène et le jeu des acteurs, mais aussi, comme on vient de le mentionner, dans la valorisation de l’aspect féministe de l’œuvre – les femmes sont là, bien posées dans l’existence, en tout cas pour les plus aguerries, et ont un véritable avis sur les affaires de cœur ‑ qui se marie si bien avec la facture moderne de cette adaptation.

Ouvrir la pièce sur l’École du micro d’argent du groupe IAM, il fallait le faire ! Cette audace de départ donne le ton. La pièce sera haute en couleurs, pleine de punch et de personnalité. Elle fera rimer rythmes rock, punk, électro, déshabillés sensuels, déperdition mélancolique, regards et attitudes érotiques, viol mimé conceptuel sur fond d’un puissant monologue et d’une gestuelle simple mais forte – bravo à son interprète Clotilde Lalanne –, avec leçons sur l’amour, minauderies, scènes de séduction banales, donjuanesques ou torrides, mais toujours si actuelles, cœurs éplorés et drames intérieurs dévastateurs. Des jeux d’ombres et de lumières, des robes sexy, des jeans moulants, des jambes et des corps impudiquement dévoilés et des rythmes endiablés viennent saccader un texte parfaitement dit, parfaitement scandé, qui donnent une nouvelle chaleur à Merteuil, une nouvelle vivacité scandaleuse à Cécile, une fraîcheur dévergondée à Danceny et une beauté mystique à la présidente de Tourvel.

La marquise de Merteuil est impériale, fatale, incandescente, plus maîtrisée que jamais. Son interprète Audrey Matéo a su la rendre irrésistible, impertinente à souhait, et fameusement drôle en même temps, le sourire insolent aux lèvres, moue de femme intelligente et coquine, alternant sans cesse cynisme et provocation. Cécile nous fait tous trembler lors de la fameuse scène de la métamorphose sur un air électro, celui de Sam Spiegel et Ape Drums, quelle bonne idée que ce minimalisme visuel, quasi graphique, pour exprimer la perte de l’innocence. Le spectateur s’en trouve à la fois ravi et bouleversé.

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Matteo Pasquini et Stéphane Duguin dans les rôles du vicomte de Valmont et d'Azolan. Photo : Paul Malterre

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Clotilde Lalanne, dans le rôle de Cécile de Volanges

Valmont est parfait de violence et de perversion, tout en se montrant plus faible, car rattrapé par l’amour. Dépassé par les femmes ! Mineur dans le roman, Azolan devient le narrateur‑farceur structurant du spectacle, à l’air malicieux et aux faux airs de Sganarelle puisqu’il informe le vicomte sans lui faire la morale. Et quelle étonnante prestation que celle de cette madame de Rosemonde que l’on aperçoit aussi sous les traits de la sculpturale Émilie. Et cette madame de Tourvel, tantôt mystique, sous une lumière divine, tantôt bourgeoise insupportable de pruderie. Madame de Volanges est espiègle et désopilante de modernité, un régal. Chacun des personnages nous emporte dans un tourbillon d’émoi et de justesse de ton.

L’ensemble est rythmé, alternant moments puissants de drame et staccatos jubilatoires de rires et d’érotisme frémissant. Plus qu’une pièce, c’est aussi une œuvre musicale, par les morceaux convoqués, mais aussi par sa propre musicalité, par le regard et les expressions des acteurs.

Non vraiment, quelle réussite, que cette adaptation, et comme on s’attache à tous ses interprètes en une heure et demie ! À quand, l’adaptation, par cette scénariste, des Fragments d’un discours amoureux pour le couple moderne !

@Credit photo: Paul Malterre 18.11.2021

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